Poème d’un camarade palestinien

Nov 28, 2015 | Actualités, International | 0 commentaires

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© B. Guay/AFP

Au lendemain de l’hommage national rendu par François Hollande aux victimes des attentats du 13 novembre à Paris, j’ai souhaité vous faire partager ce poème, écrit dans les heures qui ont suivi les attaques, par Majed Bamya, camarade socialiste palestinien. Ce poème est un vibrant témoignage de la force de l’idéal républicain dans le monde.

« Paris répond, je t’en supplie répond!

Je t’appelle, je m’inquiète, je t’attends…

Tu me manques…

Tes yeux d’une lumière si intense

Qu’on ne peut les croiser impunément,

Et tes bras qui m’enveloppent

sans jamais être réconfortants,

Et ton sourire si rare

Qui, lorsqu’il apparaît sur ton visage,

devient tulipe dans le cœur

et sur les rives, devient phare.

Sur tes quais de Seine

J’ai chanté Piaf en rentrant seul le soir;

J’ai déclamé le rêve étrange de Verlaine,

et j’ai révisé avec les noms de rues ton histoire.

Paris,

Tes musées encombrés, tes cafés si peu accueillants,

Et ce peuple, si divers, si vivant…

Ma voix se brise alors qu’elle tente de secourir les blessés,

Et nos rêves si simples, encore enfants,

Qui n’auront pas le temps de grandir.

Ma voix succombe lorsqu’on exige d’elle

de prononcer les noms des morts,

qu’elle épèle, larme par larme.

Ici plus qu’ailleurs

on connait le gout des larmes

Et celui du sang,

Et cette étrange sensation

Des cendres dans les veines,

Non d’une personne mais d’une nation.

Et nous œuvrons pour que ce qui nous brûle

Ne soit pas flamme attisant la haine.

Paris,

Réveille toi !

Montre à tes assassins que toutes tes blessures

te rendront plus belle.

Ce sera ta victoire, sans slogan, sans posture,

Sans citadelle.

Lève toi, fière de ton présent,

Et de tous tes enfants;

La nostalgie est parfois renoncement

Et ce n’en est ni le lieu ni le temps.

Paris,

Te souviens-tu de l’homme à l’ombre infini

Proclamant: Paris outragé, Paris brisé,

Paris martyrisé mais Paris libéré

Alors qu’il entrait dans la Ville Lumière encore en ruines?

Alors, dresse-toi,

Tu n’as nul besoin de nouveaux héros,

Sois ta propre héroïne!

Et je t’en prie, souviens-toi,

Ce n’est ni la foi, ni le scepticisme, mais la folie

Qui assassine.

Paris,

Se croise en ton sein des murmures venus de la terre entière,

Le bruit des blasphèmes et des prières,

Les pas pressés, et la marche teinte de désinvolture,

Héberger les contradictions est dans ta nature.

Alors proclame en ce jour d’adversité

Que tes véritables ennemis sont tous ceux qui refusent

De voir ce qu’il y a en toi de multitude et de diversité.

Paris,

Que tu es belle,

Ce soir plus que tout autre,

Car je vois dans ton reflet

La France éternelle

Qui peut, même en plein cauchemar,

Préserver le rêve,

Comme l’arbre, même en hiver,

Préserve sa sève,

Car il sait qu’il faut tenir

Jusqu’au printemps,

Et ne doute pas que ses branches fleuriront.

Paris,

Réveille-toi

Et chante, cours, danse,

Et tu trouveras des millions à tes côtés,

Qui vers un autre destin s’élancent.

Eloigne-toi et éloigne nous des rives prévisibles

de l’obscurantisme et de l’ignorance,

Qui main dans la main nous étranglent.

J’ai besoin de ton étreinte,

Je sais, pour toi c’est contre-nature,

Mais écoute ma plainte

Et mes rassurants murmures,

Enlace-moi,

Ce soir je ne désire que tes bras.

Ceux qui pensent qu’au nom du ciel

On peut créer l’enfer ici bas,

Nous haïrons toujours, et toi et moi.

L’injustice ne peut vaincre l’injustice,

Seule la justice le peut,

Alors soyons justes et honorables,

Car même si cette douleur est ineffaçable,

Nous ne devons jamais

Au nom du passé

Trahir l’avenir…

Alors, et même si c’est trop te demander,

Demain plus que tout autre jour,

Apres avoir pleuré,

N’oublie pas de sourire. »

Majed Bamya