L’Assemblée parlementaire de l’OTAN – dont je suis membre de la commission politique s’est tenue du 9 au 12 octobre. Comme je le disais dans mon précédent article, c’est la troisième fois que je participais à cet événement.
Beaucoup d’autres sujets ont été abordés à l’occasion de cette session.
Ainsi la transition en Afghanistan et ses conséquences pour l’Asie centrale ont été l’objet d’un débat soutenu. On mesure tous les jours la complexité et la fragilité de la situation dans cette région.
Une gouvernance plus efficace est essentielle pour assurer la stabilité dans ce pays et dans la région d’Asie centrale. Les efforts déployés par le président Ghani et le chef de l’exécutif Abdullah doivent être soutenus pour créer un gouvernement d’unité nationale qui fonctionne et pour mettre en œuvre des réformes ambitieuses, notamment pour l’émancipation des femmes et pour lutter contre la corruption. C’est la condition pour assurer une aide adéquate de la part des pays développés. Le principe de l’Union européenne « Donner plus pour recevoir plus » doit être au centre de la politique d’aide internationale.
Tous les pays de la région doivent s’employer également à mettre en place des mécanismes de contrôle, à assurer des sources de revenus économiques et à attirer les investissements étrangers nécessaires, notamment dans le secteur minier.
Et puis, on ne peut éviter d’évoquer la présence de la Russie et de la Chine dans la région. Face à des fléaux tels que le trafic des stupéfiants, la criminalité organisée et l’extrémisme violent, la communauté euro-atlantique doit rechercher une coopération plus étroite, notamment avec la Russie voisine.
Et puis, il est important aussi de rappeler aux pays d’Asie centrale que leur contribution à la sécurité régionale et mondiale est reconnue et appréciée.
Plus précisément, sur la lutte contre la corruption, nous avons entendu un brillant exposé de Akaash Maharaj, directeur général de l’Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption. Il ne fait de doute que partout la corruption est le bras armé de la violence et du terrorisme. C’est un obstacle incontournable aux progrès démocratiques et au développement.
Malheureusement, dans les pays développés, et notamment en Europe, ce n’est pas une préoccupation majeure. Combien de parlements se sont dotés de commissions ou de sections ad hoc pour concourir à la lutte contre la corruption dans leur pays et dans le monde entier ?
Personne ne sera étonné de savoir que l’ombre de Poutine s’étend régulièrement et inévitablement sur les enceintes parlementaires de l’OTAN.
La politique « d’information » de la Russie pour contrôler la scène médiatique intérieure du pays et pour influencer son « pouvoir d’influence » sur les pays de l’étranger proche revient en débat permanent.
La mainmise sur les médias nationaux, le déclenchement de polémiques dans les réseaux sociaux occidentaux, l’exploitation des communautés compatriotes, l’infiltration des ONG, l’utilisation de la culture comme instrument de politique étrangère sont autant de sujets de préoccupation régulièrement évoqués, relevant de la réalité ou de la peur, et qui rappellent immanquablement la période de la guerre froide. Et les « grands pays », plutôt adeptes de realpolitik, irritent fortement les pays plus petits et plus proches des frontières russes.
Débat douloureux pour certains, superfétatoire pour d’autres, m’autorisant à conclure personnellement par ces mots de George Orwell de 1984 : « Après tout, comment pouvons-nous savoir que deux et deux font quatre ? Ou que la gravitation exerce une force ? Ou que le passé est immuable ? Si le passé et le monde extérieur n’existent que dans l’esprit et si l’esprit est susceptible de recevoir des directives. Alors quoi ? »
La séance plénière finale de l’Assemblée Parlementaire de l’OTAN constitue toujours l’occasion d’entendre les responsables politiques de premier rang.
La session de Stavanger, ville norvégienne multiculturelle (plus de 80 nationalités présentes) de 132.000 habitants, capitale du pétrole et un des quartiers généraux de l’OTAN, n’a pas dérogé à la tradition.
Michael Turner, président de l’AP de l’OTAN, a fait un discours très « américain ».
En rappelant les origines de l’OTAN après la Seconde Guerre Mondiale et son actualité, en portant une charge contre la Russie (Ukraine, militarisation renforcée, Syrie,…), en appelant à un meilleur équilibre de part et d’autre de l’Atlantique – critique en creux de la France et de l’Allemagne pour les négociations sur l’Ukraine en format Normandie – en revendiquant l’entrée du Monténégro dans l’OTAN (Michael Turner était maire de Dayton au moment des accords sur l’ex Yougoslavie), en souhaitant que les États-Unis ne quittent pas trop vite l’Afghanistan compte-tenu de la tâche importante restant à accomplir.
Erna Solberg est Première Ministre de Norvège, pays « bon élève » de l’OTAN depuis toujours pour ses valeurs de démocratie et d’état de droit.
Elle a décidé de renforcer les capacités militaires de son pays.
Outre la mise en garde sur l’évolution de la Russie (accroissement de ses interventions militaires, en Syrie comme le long de la Baltique), elle a tenu à attirer notre attention sur le Grand Nord (la Norvège a un littoral au Nord du cercle polaire) pour souhaiter une amélioration des relations avec la Russie (tensions accrues depuis la crise en Ukraine). Elle a plaidé fortement pour le renforcement de la coopération avec les pays partenaires et l’accueil de tous les pays démocratiques européens.
Jens Stoltenberg, ancien Premier Ministre norvégien, est secrétaire général de l’OTAN et Président du Conseil de l’Atlantique Nord.
Il a profité de sa présence à Stavanger pour souligner le rôle important de la Norvège dans le Grand Nord.
Partageant les inquiétudes déjà exprimées vis-à-vis de la Russie, il a plaidé pour que l’OTAN adapte sa politique sur des objectifs à long terme, passant par une modernisation de sa force de dissuasion (système d’alerte, cyber défense,…), par une amélioration des relations avec la Russie – ce qui ne signifie pas acceptation de sa politique de fait – par une mobilisation de tous à assurer une plus grande stabilité au Sud (Moyent-Orient, Afrique du Nord,..) en luttant contre le terrorisme et en répondant aussi aux défis majeurs actuels (migrants et réfugiés, changement climatique,..).
Rendez-vous est donné au sommet de Varsovie – ironie de l’histoire ? – en 2016 !
L’Assemblée parlementaire de l’OTAN est aussi affaire de climat et de positionnement des différents membres ou associés.
S’il fallait donner une note très personnelle, je dirais que les États-Unis parlent toujours avec force, sûrs d’eux-mêmes et pas toujours des autres…
L’Europe, c’est surtout la France et l’Allemagne, unies dans cette enceinte, et dans le collimateur de beaucoup pour leur initiative commune sur l’Ukraine en format Normandie (soit hors ONU et OTAN).
Les pays les plus inquiets sont les États baltes, les plus revendicatifs la Géorgie et l’Ukraine, les plus sympas les Palestiniens et la Belgique, et le plus insupportable la Pologne !