C’était une première à tous les points de vue. Première fois que j’allais en inde, ce pays-continent objet de bien des fascinations. Première fois qu’il était organisé une rencontre franco-indienne au niveau des collectivités locales et pas seulement des Etats.
Il faut dire que les relations entre Inde et France rappellent à bien des égards les rapports franco-algériens, alternant périodes de réchauffement et périodes de crispation.
Depuis 1998, Paris et Delhi ont engagé une coopération destinée à fonder un partenariat stratégique. C’est dans ce contexte, en tant que président de l’AMGVF et vice-président de la Commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée Nationale, que je me suis rendu à New Delhi, à l’invitation du gouvernement indien, du Ministère des Affaires Etrangères français – de son ambassadeur Jérôme Bonnafont, de son directeur des relations extérieures pour la coopération décentralisée Antoine Joly, de son ambassadeur itinérant en Asie Jacques Vallade -, de Cité-Unis France – avec son président Charles Josselin – .
En tout, une délégation française formée d’une soixantaine d’élus locaux mobilisés par le sénateur Yves Dauge, avec en particulier le maire de Paris, Bertrand Delanoë pour échanger pendant 3 jours avec nos homologues indiens.
Il m’a été confié de rapporter sur la comparaison des gouvernances locales en France et en Inde. Autant dire qu’il y a de très fortes différences d’organisation dues aux histoires, aux cultures, aux tailles très différentes elles-mêmes. Mais au-delà de la diversité des situations, on peut relever la même tendance lourde d’urbanisation, à l’instar de la société mondiale.
L’Inde est un état fédéral de 1,2 milliard d’habitants, un pays-continent avec une population très hétérogène. La France est un état unitaire de 65 millions d’habitants qui n’a engagé sa décentralisation que progressivement depuis 30 ans, avec une population relativement homogène par sa langue et sa culture. Mais la France comme l’Inde doivent relever les grands défis du XXIème siècle qui sont tous mondiaux et urbains.
L’Inde a la population urbaine la plus forte du monde (300 millions), même si la population rurale reste encore très importante (73% de la population totale), avec 25 villes de plus d’1 million d’habitants. En France, 50 millions d’habitants vivent en ville (80% de la population), villes de tailles limitées, hors Paris.
Au plan économique, si la France s’est lancée dans l’économie de la connaissance avec la mise en place de pôles de compétitivité et de plans campus dans les grands pôles urbains, largement en dehors d’initiatives et de coordination européennes, l’Inde, avec ses Etats fédérés disposant de pouvoirs et de fiscalités propres, capables d’attirer des investisseurs étrangers a réussi à constituer un réseau de formation supérieure très important, avec 380 universités, 1 500 instituts de recherche, 300 000 ingénieurs formés par an et 300 000 autres diplômés supérieurs, 9 000 doctorants. L’Inde dispose aujourd’hui de 650 000 salariés qualifiés en logiciel, ce qui évidemment pèse dans le concert mondial.
Au plan social, même si la France connaît une progression des inégalités, avec une progression de la précarité, avec la crise et de réelles difficultés d’intégration d’une partie de sa population immigrée, l’Inde vit une situation d’une toute autre ampleur : 26% de la population (soit 300 millions de personnes) vit avec moins d’un dollar par jour dans des bidonvilles, 39% est analphabète. Les problèmes de surpeuplement, d’insalubrité et d’insécurité sont immenses. Cependant, l’Inde a décidé de s’ouvrir à de nouveaux modèles sociaux (relations hommes-femmes, nombre d’enfants par famille), et d’engager des « réformes à visage humain » pour réduire les écarts sociaux (éducation, santé, emploi, crédit, immigration, …).
Au plan écologique, même si la France doit encore lutter notamment contre l’étalement urbain, l’Inde est dans une situation plus préoccupante du fait de sa taille, de son peuplement, des questions encore loin d’être maitrisées en termes d’énergie, d’habitat et de transport.
La volonté de relever ces immenses défis économiques, sociaux et environnementaux, défis urbains et mondiaux est partagée largement par les gouvernements locaux indiens et français. On le sait, les grandes villes mondiales sont le réceptacle des contraintes sociales. Elles sont aussi le champs des innovations scientifiques, technologiques et sociétales. Lieux d’échanges et de cultures, elles sont finalement porteuses de civilisation et d’espérance, constitutives de la société de demain aux couleurs du monde.