Le succès escompté était au rendez-vous. Plus de 150 personnes ont fait le déplacement jeudi soir à la maison des associations à Grenoble, pour la première conférence-débat du cercle de réflexion « Initiatives à Grenoble », que je préside. Pascal Lamy, ex directeur de l’OMC et ancien commissaire européen, nous a fait l’honneur de sa présence pour évoquer ensemble le développement économique de la France dans le monde. Une question fondamentale pour penser l’avenir du modèle grenoblois.
Le monde, l’Europe puis la France : Pascal Lamy dresse une analyse lucide et compréhensible par tous des enjeux de la mondialisation. Elle a transformé le monde à toute vitesse, en réduisant la distance, les coûts ainsi que la pauvreté, tout en augmentant la production mais aussi les inégalités. La conclusion ne se fait pas attendre : il faut « civiliser la mondialisation », lui permettre de mieux redistribuer les richesses créées tout en continuant à augmenter le bien être collectif.
L’Europe s’est bien adaptée à la mondialisation. Son mode de vie unique, basé sur une plus grande opposition aux inégalités, concentre 50% des dépenses sociales dans le monde. Son solde industriel positif de 300milliards d’euros par an permet de masquer les 350 milliards de dollars de sa facture énergétique annuelle. Mais la croissance basse qui perdure et les perspectives démographiques négatives sont à terme des menaces pour le modèle économique et social européen. Cela nous oblige à accélérer l’unification et la spécialisation du marché intérieur ainsi qu’à mieux cibler nos dépenses en R&D pour gagner en compétitivité.
« Civiliser la mondialisation » doit donc être le relais narratif de la construction européenne. Un relais que la France se doit de porter.
Mais le problème de la France est qu’elle considère davantage la mondialisation comme une menace que comme une chance (60 % des français déclarent en avoir une vision négative). Situation paradoxale au regard de l’histoire d’un pays qui a toujours eu de l’ambition pour le monde. D’autant plus contradictoire qu’elle possède de formidables atouts, notamment culturels. La marque France, reconnue par tous, en est un exemple probant. Donc, si depuis plus de 30 ans notre pays connaît une dégradation économique et sociale relative, un budget constamment en déséquilibre et un chômage de masse qui perdure, c’est parce que nous considérons que le problème vient d’ailleurs. Des réformes, y compris de notre système institutionnel, sont nécessaires.
J’ajoute que la mondialisation passe aussi par nos métropoles. Il incombe aux élus d’en saisir les opportunités. Le territoire grenoblois compte près de 550 entreprises étrangères sur son territoire, dont 130 américaines. Voilà un exemple remarquable d’ouverture au monde qui lui a permis de devenir un modèle d’innovation et d’exportation reconnu à l’international.
L’assemblée présente était à l’image de notre ville : riche de sa diversité. Les questions posées à la suite des propos de Pascal Lamy en témoignent. Surtout, la rencontre avec celui que j’ai défini comme un « conquérant de l’utile » pour paraphraser Lionel Terray, « le conquérant de l’inutile », fut riche et pleine d’espoir pour construire la dynamique nécessaire à l’éveil nouveau de la France dans le monde.