Vilnius, Wilno, Vilne…autant de noms donnés à la capitale lituanienne par ceux qui y ont vécu (Lituaniens, Biélorusses, Polonais, Russes, Juifs). Mais il y eut un autre nom pour Vilnius: la Jérusalem de Lituanie.
Certes, d’autres communautés d’Europe de l’Est étaient plus riches, plus nombreuses que celle de Vilnius. Mais c’est pourtant cette dernière qui devint le plus grand centre intellectuel du monde juif à partir du XVIIIeme siècle. La vie juive explosait avec ses centaines de synagogues, ses yeshivas, ses écoles, ses bibliothèques, ses boutiques et vendeurs ambulants. Des sociétés artistiques et littéraires, des partis politiques de tous bords, des organisations de travailleurs se développent.
Et puis vint la seconde guerre mondiale. La communauté juive de Vilnius, plusieurs fois centenaire, et finalement toute la communauté juive de Lituanie fut quasi-complètement anéantie pendant l’occupation nazie, entre 1941 et 1944. Sur les 208 000 Juifs recensés en janvier 1941, on estime à environ 195 000 le nombre de victimes de l’holocauste en Lituanie. A Kaunas, le plus grand massacre des juifs intervint le 29 octobre 1941. La veille, la Gestapo sélectionne 10 000 juifs du ghetto pour la mort. 9200 furent abattus au Fort 9, 2000 hommes, 3000 femmes et 4200 enfants. La liquidation du ghetto interviendra en mars et juillet 1944. Les hommes furent déportés à Dachau et les femmes au Stutthof. Le ghetto de Vilnius fut liquidé en septembre 1943, les femmes et les enfants étant envoyés à Auschwitz pour être exterminés. Finalement, la proportion de Juifs lituaniens victimes de la barbarie nazie (95%) sera la plus importante de tous les pays européens. On peut dire que l’on a voulu faire disparaitre une population, une culture, jusqu’à sa mémoire. Et même après la guerre, sous le régime soviétique, la Grande Synagogue fut démolie, les cimetières juifs détruits, et des rues, qui portaient le nom de Juifs célèbres, reçurent d’autres noms. Une nouvelle et dernière mort !
Aujourd’hui, après la restauration d’un Etat lituanien indépendant depuis 1990, on assiste à un retour de la mémoire juive, avec la réouverture du musée juif notamment. Peu à peu, des témoignages muets du passé donnent une voix aux murs silencieux des maisons et des rues transformées. Avec Marie, nous avons visité la maison verte, pas facile à trouver au centre de Vilnius, transformée aujourd’hui en musée de l’holocauste et qui rappelle cette histoire tragique. Un moment d’émotion intense.