Simone Lagrange est une grande figure de la résistance, une femme dotée d’un courage hors du commun, le beau visage de notre pays. Au fil des années, au-delà du respect et de l’estime que je lui voue, nous avons tissé des liens de grande proximité, des relations de profonde amitié.
C’est le 6 juin 1944, jour du débarquement des alliés en Normandie, qu’elle est arrêtée avec sa famille. Elle avait treize ans. Elle fut torturée des semaines par Klaus Barbie avant d’être déportée au camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau. Sa mère y fut gazée et son père abattu. Quant à elle, au prix d’épreuves invraisemblables, elle survécut.
Plus tard, elle sera l’un des témoins majeurs et spectaculaires du procès Barbie, qui mena à la première condamnation pour crime contre l’humanité dans notre pays.
Ses témoignages sur cette période sont exceptionnels. Ils rendent vivante la mémoire : « Les chiens dans les camps mordaient les détenus pour qu’ils restent alignés dans la marche » ; « il ne fallait surtout pas montrer que l’on avait peur lorsque les soldats passaient car cela signifiait que la mort était proche ». Sa rencontre avec Simone Veil avec qui elle était détenue revient souvent pour évoquer l’énergie vitale qui maintenait leur humanité. Son espérance de rester en vie était un véritable combat pour la liberté.
À travers ses témoignages dont son livre, Coupable d’être née, Adolescente à Auschwitz (paru en 1997), dans lequel elle raconte son arrestation, les tortures, Auschwitz, son retour en France, ou le documentaire « moi petite fille de treize ans » sorti en 2010, il y a cette volonté inlassable de perpétuer le devoir de mémoire, de dire notamment aux jeunes générations ce que fut la barbarie Nazie. Un engagement admirable. « Je ne suis pas devenue ce qu’ils auraient voulu que je sois » répète-t-elle avec une force impressionnante.
Je partage aussi avec elle un attachement profond à l’Europe de la paix, construite sur les cendres de la Shoah. La résistance d’aujourd’hui doit être aussi celle d’une Europe solidaire qui bannisse le repli sur soi et les idées mortifères nationalistes ou même nazies qui reviennent dans certains pays de notre continent.
«N’attendons pas que le danger nous retombe dessus, la dernière fois, on nous a dit : nous ne savions pas. Aujourd’hui, on ne peut plus dire cela ! » clamait celle qui est devenue Présidente de l’amicale des déportés d’Auschwitz-Birkenau et des camps de Haute-Silésie, lors du 67e anniversaire de la libération des camps au Parc Paul Mistral en 2012. Une cérémonie qu’elle a l’habitude de marquer chaque année par ses témoignages poignants.
En 2007, j’ai eu l’honneur de lui remettre le prix Louis Blum, créé par le CRIF Grenoble-Isère avec la Ville de Grenoble, à elle et à Jean-Olivier Viout en charge de l’accusation aux côtés du procureur Truche dans le procès Barbie.
Aujourd’hui, devant faire face à de sérieux problèmes de santé, Simone est malheureusement moins présente mais manifeste toujours autant d’énergie pour combattre et défendre ses valeurs.
J’ai une profonde admiration pour Simone Lagrange. Dans mes journées de responsable politique, denses, parfois effrénées, pouvoir échanger une heure avec Simone Lagrange me redonne de l’énergie, me permet de relativiser les choses et de ne jamais oublier l’essence même de mon engagement pour affronter les défis de demain.
Pour tout cela, et de tout coeur, merci Simone !