Dans quatre mois aura lieu le renouvellement des conseils municipaux. Un moment important où la population portera une appréciation sur l’action de la municipalité sortante et sur le projet proposé pour le mandat à venir. Maire de Grenoble depuis 18 ans, il me parait utile et démocratique de revenir sur ce parcours municipal qui s’interrompra pour moi en mars prochain, ayant décidé de passer le relais à une équipe renouvelée, conduite par mon 1er adjoint Jérôme Safar. Je reviens donc, par une série de tableaux que je souhaite vivants et personnels, sur une activité qui marquera sans nul doute un moment exceptionnel de ma vie.
De septembre 1995 à mai 2010, j’ai présidé le Conseil d’administration du CHU de Grenoble en tant que maire comme le prévoyaient les textes de l’époque. En application de la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé, Territoires) du 21 juillet 2009, le Conseil d’administration a ensuite laissé la place à un Conseil de surveillance. Elu président de la nouvelle instance le 25 juin 2010, j’ai continué à m’investir pleinement dans la vie de ce très important établissement, acteur majeur en matière de santé, d’enseignement et de recherche, et premier employeur de l’agglomération grenobloise. Cet engagement à la présidence de l’hôpital de Grenoble restera pour moi une tâche noble et importante dans mes fonctions de maire. Concrètement, l’hôpital public français a vécu trois réformes importantes ces dix dernières années : 2004 (introduction de la tarification à l’activité). 2009 (loi HPST) et 2010 (création des Agences régionales de santé).
A l’heure du bilan, je souhaite avant tour rendre hommage à l’intégrité, l’énergie et la persévérance des directeurs généraux avec lesquels j’ai travaillé au quotidien –Jean-Pierre Bastard, Jean Debeaupuis et aujourd’hui Jacqueline Hubert-, mais aussi de présidents de la CME (Commission Médicale d’Etablissement), notamment les professeurs Michel Bost, Jean-Paul Chirossel et Luc Barret, des doyens Jacques Fournet, Jean-Luc Debru, Bernard Sèle et Jean-Paul Romanet, et bien sûr les partenaires sociaux.
Dans un contexte de raréfaction de la ressource publique, je veux rappeler que c’est grâce à eux et aux équipes qu’ils ont su entrainer qu’un système à l’architecture redoutablement complexe peut être piloté – au sens fort du terme ; que des marges de progrès sont trouvées au présent et pour l’avenir ; que le CHU maintient et accroît son attractivité pour les patients et les personnels, affirmant sans cesse son rôle d’opérateur de santé majeur sur le bassin grenoblois et de façon plus large sur l’ensemble du sillon alpin : enfin que le CHU tient une place prépondérante dans les domaines de l’enseignement et de la recherche, participant au rayonnement de la ville dans le domaine de l’innovation.
Au même titre que les cliniques privées et la médecine de ville ces dernières années, le CHU a été et sera encore confronté à des contraintes économiques et réglementaires fortes, aux défis posés par l’adaptation des prises en charge du vieillissement de la population, par l’accélération des innovations et des nouvelles applications thérapeutiques, scientifiques et technologiques, par les attentes de la population pour davantage d’information et de qualité d’accueil, par la nécessité de travailler autrement avec les acteurs sociaux et de santé du pôle urbain, des territoires environnants et à l’échelle du sillon alpin.
Sans remonter trop loin dans le temps, je veux rappeler à quel point nous avons été heureux de constater que le cycle d’investissement du projet 2007-2010 du CHU ait été intégralement mené à son terme.
Ce projet, c’était trois réalisations majeures conduites en plus du programme de rénovation de Michalon : l’hôpital couple-enfant, l’institut de rééducation sur le site de l’hôpital-sud, et la création d’un nouvel institut de biologie qui a regroupé l’ensemble des laboratoires de biologie et pathologie autour d’un plateau technique robotisé que est des plus avancés de France.
C’était aussi un grand nombre d’investissements pour améliorer la sécurité, l’accueil et les fonctions support (achats, logistique, blanchisserie, restauration) et pour mettre en places des projets innovants comme le centre national d’appels, d’urgences pour personnes déficientes auditives, la coopération avec Annecy en neurochirurgie, la prise de rendez-vous par internet, et la dématérialisation des échanges avec la médecine de ville.
Les perspectives de travail sont stabilisées pour la période 2011-2015, et le CHU de Grenoble est un établissement plus imposant que jamais : 2100 lits et places, près de 550 000 journées d’hospitalisation et de 640 000 consultations externes par an. En équivalence temps plein : 1800 professionnels médicaux et 6500 professionnels non médicaux. Un budget d’exploitation de 610 millions d’euros, des dépenses d’investissement courant de près de 20 millions par an (nous sommes aujourd’hui cantonnés à 18M€/an, mais sommes montés dans le passé récent à plis de 80M€ pour des opérations exceptionnelles).
Dans les années à venir, les usagers verront encore sortir de terre de nouveaux bâtiments, apparaître des nouveaux instruments de plus en plus sophistiqués de diagnostic et de soin. Ils pourront constater des progrès continus dans la manière dont ils seront pris en charge. Cela grâce aux efforts de tous pour s’adapte à un contexte de transformation rapide et anticiper les changements et les innovations.
Comme toute institution publique, en particulier en tant qu’opérateur de santé, le CHU est un ensemble complexe, vivant, reflet de la société et de ses souffrances, avec ses succès et ses doutes, ses performances et ses difficultés. J’ai pu le mesurer régulièrement à travers le service d’accueil des urgences, à l’occasion de divers évènements tragiques qui m’ont amené à m’y rendre durant mes différents mandats, et à appuyer les projets d’amélioration des conditions d’accueil et de travail qui ont été développés. Toujours prêt à accueillir toute détresse chaque jour et nuit de l’année, quelle qu’en soit la cause, il est le symbole de la grandeur d’un service public hospitalier français qui doit être préservé.
En tant que maire d’une grande ville que la crise n’épargne pas plus que l’ensemble des services publics – et le service public hospitalier au premier cher -, je reste néanmoins porté par la conviction que tous, collectivement, avons les forces suffisantes pour surmonter l’épreuve et relever le défi d’une modernité qu’il s’agit de conquérir et non de subir.
Et je reste parfaitement confiant à l’égard de celles et ceux qui ont la charge de concilier meilleur contrôle économique avec qualité et sécurité des soins ; de celles et ceux qui font la preuve, au quotidien, que les valeurs de solidarité, de générosité, de bienveillance et d’altruisme qui animent le monde du soin résistent – et résisteront toujours – aux lois du marché.
N’oublions pas que l’hôpital est un élément essentiel du vaste ensemble qui donne corps au modèle social français, et européen, et dont nous souhaitons qu’il continue à tenir ses promesses pour les générations futures.
Dans notre pays où le service public semble souvent perçu comme une institution allant de soi, il est important de rappeler qu’il s’agit surtout d’un héritage. Un héritage que nous devons faire fructifier à notre tour sous peine de le voir s’abimer ou sombrer.