En cette veille du jour des 30 ans de la disparition d’Hubert Dubedout, où de nombreux souvenirs me rattrapent, je tenais à partager un texte que j’avais écrit et qui était paru en 1987 dans le livre de Lucien Ratel sur Hubert Dubedout intitulé « Dix-huit ans pour Grenoble ». Il s’agit de notre passion pour la montagne faite d’ascensions et de défis communs.
« Comment pourrais-je un jour oublier ces longues marches d’approche et ces soirées en refuge où nous refaisions le monde ? Et cette soirée magique, face aux Droites, paroi sévère, inhospitalière, qui se dresse immense et grandiose ? Nous nous surprenions à tracer dans notre tête un itinéraire possible pour franchir cette barrière impressionnante de couloirs et de piliers, qui court de la Verte au Triolet. Courses de neige, de rochers, d’arêtes ou de faces, ou encore longues traversées en altitude ; toutes étaient tentantes avec une prédilection pour les couloirs, que nous aimions monter côte à côté, piolet chacal à la main, en équilibre sur les pointes avant, heureux de monter ainsi en parallèle et de rompre ainsi la monotonie de l’ascension en cordée classique, pour aller chercher, un peu plus loin, la naissance du jour, un peu plus haut, les premiers rayons du soleil. Au-delà des difficultés à franchir, nous étions poussés par une motivation inavouée, infiniment plus subtile, qui touche ici probablement au mystère de la vie, peut-être aussi de la mort…
Peut-on oublier ces moments de doute quand, ayant perdu l’itinéraire classique, nous poursuivions une descente devenue délicate dans les vires Javelle… cette matinée de 1986 au sommet du Mont-Rose, à contempler, comblés, un Cervin plus majestueux que jamais et qui semblait à portée de main. Et à cet instant, le plus heureux était encore Hubert Dubedout qui nous faisait observer qu’il était bien, ce matin-là, skis aux pieds, le plus ancien sur le toit des Alpes italiennes… Et le Cervin était devenu naturellement, l’objectif de l’été suivant… »
Hubert Dubedout trouva la mort le vendredi 25 juillet à sept heures à l’Arête de la Table, alors qu’il effectuait l’ascension de l’Aiguille du Tour dans le massif du Mont-Blanc. C’était une course d’entraînement en vue de celle du Cervin.
Au sommet du Mont-Rose, il y a quelques jours, l’horizon et le Cervin grandiose se faisaient les échos de mes pensées fidèles pour cet homme publique, cet ami, qui a tant fait pour Grenoble et l’a marquée à jamais d’une bénéfique ambition.