Comme souvent avec Alexandre Orlov, la forme (inimitable) compte autant que le fond (d’un seul bloc). Nombre de mes collègues se pressaient donc pour partager café et croissants avec l’ambassadeur de Russie à Paris, dans le cadre de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale.
L’ambassadeur a tout d’abord traité de l’Ukraine, affirmant que les accords de Minsk devaient rester la seule feuille de route. Pour lui, Kiev doit respecter ses engagements et ne peut se retrancher derrière ses difficultés intérieures. L’Allemagne et la France sont d’ailleurs intervenues dernièrement en ce sens, demandant à l’Ukraine d’appliquer les résolutions de Minsk.
Face à la « posture anti-russe des États-Unis et d’une politique de maintien des sanctions », Orlov lance « Pour combien de temps ? Comme à Cuba, pour plus de 50 ans ?
Il faut résoudre le problème ukrainien avec la France et l’Allemagne, sinon la Russie devra malheureusement se tourner vers Washington, éclipsant la France et l’Europe… comme en Syrie. »
Concernant la Syrie, « il y a deux raisons majeures à la marginalisation de la France :
– Premièrement, la dilution de sa position dans celle de l’Union Européenne, c’est-à-dire vers le plus bas dénominateur commun.
– Deuxièmement, son intransigeance vis-à-vis de Bachar El-Assad, contrairement à la position des Américains.
Et ainsi, quand les choses deviennent sérieuses, il ne reste que deux puissances : la Russie et les Etats-Unis.
L’intervention russe en Syrie a été utile pour sauver l’Etat syrien (et non pas Bachar El-Assad…) et pour éviter le chaos, à la différence de ce qui a été fait en Irak ou en Libye.
Le temps est venu de l’étape politique. Désormais, la feuille de route est celle définie à Vienne, en sachant que la difficulté réside dans l’hétérogénéité des opposants syriens.
La Russie veut coopérer avec la France. Mais est-ce réciproque ?
Sinon, la Russie se retournera, à défaut, et une nouvelle fois, vers les États-Unis. »
Lors d’un temps d’échange, répondant à mon interpellation, Alexandre Orlov en est venu à l’examen des relations bilatérales :
« Les sanctions ont des conséquences très négatives de part et d’autre. On enregistre une chute de 40 % des échanges commerciaux depuis deux ans.
Les grands groupes français restent cependant toujours présents en Russie car il y a de grands projets d’infrastructures. Mais les Français sont pénalisés, essentiellement par leur manque de financement, avec des banques françaises, tétanisées par la situation, qui ne s’engagent pas. »