J’ai débattu il y a quelques jours avec Cécilia Malmström, Commissaire européenne au Commerce au cours d’un débat organisé à l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Paris sur les politiques commerciales de l’Union européenne et en particulier sur les négociations en cours entre notre continent et les Etats-Unis.
Cécilia Malmström a défendu l’idée que la politique commerciale de l’Union européenne était bien plus large que le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), même si ce dernier focalisait l’attention ces derniers mois. La politique commerciale de l’UE est un outil qui contribue à sortir de la crise, à favoriser l’emploi, la croissance. C’est un outil politique aussi, dans le sens où elle sert à sceller des alliances avec nos partenaires commerciaux.
Elle a souligné que le cycle de Doha n’avait pas échoué mais que des accords multilatéraux étaient plus complexes encore que des accords bilatéraux.Dans le cadre du TTIP, elle a argué que l’Union européenne et les Etats-Unis étaient deux partenaires égaux dans la négociation et que ni l’un ni l’autre ne pouvait imposer ses choix de manière unilatérale. De plus, la Commissaire a montré l’implication du Parlement européen et des Parlements nationaux dans le processus. Ces derniers sont informés à toutes les étapes.
L’UE a des intérêts offensifs aux Etats-Unis et inversement. Mais elle a tenu à souligner que la place des deux puissances occidentales allant s’amenuisant, il était primordial de poser les bases d’un accord dès aujourd’hui pour créer des standards globaux. De plus, elle a expliqué que les secteurs discutés à l’accord étaient des secteurs qui disposaient actuellement de normes similaires. Il n’est donc pas question de mettre à mal les standards européens.
Au cours de mes interventions, j’ai pu quant à moi rappeler que l’Union européenne et la France s’étaient engagées dans une démarche commerciale multilatérale. En 1997, Hubert Vedrine, au nom de la France, redoutait l’hyper-puissance américaine et souhaitait ne pas s’en tenir à des relations bilatérales.
Dans le même temps, les pays émergents bénéficiaient d’un traitement spécial et différencié et refusaient toute réciprocité en matière d’accès aux marchés. L’enlisement du cycle de Doha entraînait l’échec du multilatéralisme poussé par l’UE.
C’est dans ce contexte qu’ont été relancées les négociations transatlantiques .
Beaucoup d’études évaluent ainsi des gains économiques potentiels pour l’UE et la France si les négociations sont menées de façon offensive pour défendre nos intérêts collectifs. L’Europe est le premier marché mondial avec 500 millions de consommateurs à fort pouvoir d’achat et détient le premier PIB mondial.
A eux deux, les Etats-Unis et l’Union européenne représentent 2/3 des dépenses mondiales de Recherche & développement (R&D).
Les États-Unis sont en outre la première destination des investissements français à l’étranger et le premier investisseur étranger en France (ce qui représente 450.000 employés dans notre pays). Cependant, les difficultés restent grandes. Aux États-Unis, la réglementation relève des acteurs économiques, du secteur privé et des États fédérés tout autant que de l’Etat fédéral avec qui se mènent les négociations.
À la demande de la France notamment, des lignes rouges ont été avancées : défense des préférences collectives (santé, protection des consommateurs), données personnelles, secteur audio-visuel, services publics, non-remise en cause de la souveraineté des États en particulier vis-à-vis des multinationales – notamment dans les domaines de la santé, la sécurité, l’environnement, l’ordre public, la fiscalité,…
Enfin de telles négociations ne peuvent s’envisager sans transparence. Beaucoup de critiques à ce sujet étaient légitimes. Des progrès sur ce plan ont été réalisés. Ainsi depuis octobre 2014, le mandat est rendu public et un site Internet a été ouvert au Quai d’Orsay. Un comité de suivi stratégique réunissant ONG, associations, fédérations professionnelles, syndicats,… a en outre été mis en place. Une ratification par le Parlement européen et les Parlements nationaux interviendra in fine.
Une heure et demi d’échanges particulièrement riches et intéressants !