A l’occasion de l’élection présidentielle, dont le premier tour se tient ce dimanche 22 avril, la rédaction de Studyrama a souhaité interroger les principaux partis politiques afin de faire le point sur leurs propositions en matière d’enseignement supérieur et de politique jeunesse. En tant que membre de l’équipe de campagne de François Hollande, et ayant récemment publié un essai intitulé « 2012-2017 : quel avenir pour l’enseignement supérieur et la recherche ? », je me suis plié à l’exercice avec plaisir :
Pour beaucoup de jeunes, faire des études coûte trop cher. Les bourses doivent-elles être réévaluées ?
Le système d’aides aux étudiants est à la fois insuffisant et injuste. Les boursiers d’échelon 6 reçoivent 4 600 € par an ce qui n’est pas assez. Surtout, un étudiant parisien perçoit la même chose qu’un étudiant de province alors que les coûts de la vie sont très différents. Pour y remédier, François Hollande propose de créer une allocation d’études sous conditions de ressources regroupant l’ensemble des aides existantes (aides au logement, bourses sur critères sociaux…), qui serait plus importante et plus incitative. Il faut également permettre aux étudiants d’accéder plus facilement aux soins par le biais d’une mutuelle. Il faut enfin favoriser leur mobilité, par exemple en mettant en place une tarification sociale des transports comme c’est le cas à Grenoble.
Les universités fonctionnent avec peu de moyens : faut-il augmenter les dotations de l’Etat ou bien trouver d’autres sources de financement ?
Nos universités dépensent annuellement 9 500 € par étudiant, IUT compris, alors qu’un lycéen revient à 10 500 €, un élève de STS à plus de 13 200 € et un élève de classe préparatoire à plus 14 500 €, en raison des différences d’encadrement. Nous devons y remédier en renforçant les financements des universités mais également en les sécurisant par des contrats Etats-régions-universités. Dans tous les cas, nous sommes opposés à l’augmentation des frais d’inscriptions qui ne participent pas de la démocratisation de l’enseignement supérieur. Au-delà, cette question appelle une meilleure répartition des ressources des universités. Il conviendrait de financer prioritairement les universités moins bien pourvues, sans pénaliser celles qui sont mieux dotées.
Aujourd’hui avoir un diplôme ne garantit pas forcément l’insertion professionnelle. Comment résoudre ce problème ?
La question de l’insertion des jeunes diplômés est capitale. Il faut pour cela renforcer la professionnalisation à l’université. François Hollande propose une réforme des premiers cycles universitaires avec une spécialisation plus progressive en licence et la mise en place de passerelles entre les formations. Par ailleurs, chaque étudiant de licence se verra proposer un stage qui pourra s’effectuer dans une entreprise, une administration, une association, une ONG, un laboratoire de recherche… Il faut aussi mettre en place des actions de tutorat pour aider les jeunes à la rédaction d’un CV, ou d’une lettre de motivation, à la préparation d’un entretien de recrutement. Dans la même idée, il faut développer les réseaux d’anciens qui aident souvent à trouver un premier stage et/ou décrocher un premier contrat.
Faut-il réformer le système actuel de l’enseignement supérieur qui voit cohabiter voire se concurrencer universités et grandes écoles ?
Notre système souffre de son éclatement et notamment de ce dualisme entre l’université assurant la formation généraliste, et les écoles chargées de cursus professionnalisants. Il faut donc, en concertation avec tous les acteurs, s’attacher à donner plus de cohérence aux méthodes de travail et aux diplômes en commun (Masters et doctorats). Nous pourrions aussi imaginer mettre en place à l’université des formations dédiées à la préparation de certains concours, ainsi que des classes préparatoires aux grandes écoles dédiées aux élèves de milieux défavorisés. Plus généralement, nous devons repenser le fonctionnement de l’université afin de décloisonner les disciplines. Par exemple, un étudiant qui veut faire carrière dans les ressources humaines devrait pouvoir suivre aussi des cours de droit, d’économie, de gestion, de psychologie ou de sociologie. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Beaucoup d’étudiants ont du mal à se loger parce que c’est trop cher…
Je propose un plan massif de construction de logements étudiants (réhabilitation de 50 000 logements étudiants et construction de 40 000 nouveaux logements) avec un accès facilité dès la première année d’études. Car la réussite des études dépend aussi de la bonne intégration des jeunes dans leur nouveau milieu de vie. Par ailleurs, nous pourrions envisager que la gestion des logements étudiants soient décentralisée et confiée aux grandes agglomérations.
Propos recueillis par Audrey Steeves
Michel Destot vient de publier un essai intitulé 2012-2017 : quel avenir pour l’enseignement supérieur et la recherche (Fondation Jean Jaurès, 2012).