Je ne suis pas contre le principe d’une réforme du Code du Travail qui doit rester un cadre devant nécessairement évoluer au cours du temps pour s’adapter positivement aux changements des réalités économiques et sociales du monde, c’est-à-dire au profit des entreprises, des salariés et de l’emploi. Mais comme souvent quand un projet rencontre autant de résistances, il convient de s’interroger tout autant sur le fond des propositions que sur la démarche elle-même.
On aurait pu ainsi imaginer qu’une telle réforme ait pu être avancée au début du quinquennat présidentiel dans un ensemble équilibré de mesures économiques et sociales visant le rétablissement de l’emploi dans notre pays.
Mais mieux vaut tard que jamais… même si on s’est ainsi privé d’un levier essentiel dans l’arsenal législatif initial. Et puis surtout, un tel texte doit être le résultat de négociations avec les partenaires sociaux et les parlementaires plutôt que l’objet d’un examen a posteriori.
Au-delà du dialogue parlementaire indispensable pour amender et rééquilibrer le texte, il convient de placer la négociation entre les salariés et leurs entreprises au centre de la réforme, notamment à l’échelle locale et de l’entreprise elle-même. En réaffirmant la place du syndicalisme car « pour négocier, il faut des négociateurs » comme le rappelait dernièrement Louis Gallois.
Sur le fond des propositions, je souhaite que le texte puisse évoluer sur plusieurs points.
Je ne pense pas que l’instauration d’un barème plafonné des indemnités de licenciement soit une solution… Il viendrait se substituer à une décision de Justice et ne permettrait pas toujours de réparer les préjudices.
C’est sur l’organisation même des prud’hommes, peu judiciarisés professionnellement et ne créant pas, dans la diversité de leurs jugements à travers le pays, une jurisprudence solide pour tous les partenaires, qu’il faudrait travailler.
Il serait opportun aussi de s’interroger sur la définition même du licenciement économique, en tenant compte des différences considérables qui existent entre grands groupes et petites entreprises. Un texte qui limiterait l’appréciation des difficultés économiques aux seules sociétés situées sur le territoire français, favoriserait davantage les plus grosses entreprises et pourrait faire peser sur le salariat français le prix de la compétitivité.
Nous devons surtout présenter une grande réforme qui permette compétitivité et croissance tout en étant synonyme de progrès humain et social pour les salariés. C’est l’intérêt même d’un équilibre entre la flexibilité et la sécurité : le projet, en l’état, fait pencher la balance plutôt, semble-t-il, du côté du tout-flexible…
Au total, nous devons tout faire pour sortir par le haut en mettant au point un projet ambitieux, dans l’esprit du rapport Badinter, rendant le Code du Travail plus lisible et praticable (et cela ne veut pas dire qu’il faille fragiliser le droit), et mettant la négociation au centre des accords sur l’organisation du travail.
C’est possible. La voie est étroite mais préférable à un renoncement !