Mon intervention au colloque « Michel Rocard, une pensée, une action »

Sep 16, 2016 | Actualités, Personnalité, Publications et interventions | 0 commentaires

Mon intervention en ouverture du colloque.

Mon intervention en ouverture du colloque.

Beaucoup de monde se pressaient à l’Assemblée nationale, salle Victor Hugo, autour de Sylvie Rocard et de Loïc, épouse et fils de Michel, pour cette rencontre organisée par l’association MichelRocard.org et la Fondation Jean Jaurès, afin d’évoquer la pensée et l’action de Michel Rocard, deux mois après sa mort.

Ouvrant la séance, j’exprimais mon émotion en rappelant que Michel Rocard avait été le président d’honneur du cercle Inventer à Gauche que j’anime et qu’il avait été peut-être la plus belle rencontre politique de ma vie, au point d’en avoir dévié le parcours de ma carrière professionnelle d’ingénieur, de chercheur et de chef d’entreprise vers mon engagement public, local et national.
Et si nous étions si nombreux à nous revendiquer de son action et de sa pensée, c’était bien parce que Michel Rocard avait su inscrire son action politique dans le temps et l’espace.

Dans le temps, le temps long. Michel Rocard avait pris sa première carte de militant en novembre 1949 ! C’était à la SFIO. Puis au PSA, au PSU et au PS, fidèle à sa famille socialiste jusqu’au soir de sa vie, jusqu’à son dernier souffle. Au total près de 70 ans !
Inscrire son engagement dans la durée, c’est lutter contre la dictature de l’immédiateté, souvent entretenue et même amplifiée par les médias, qui ne permet pas de donner un sens, une vision à la politique menée ou voulue, parce qu’elle nécessite au contraire le temps d’intégrer la complexité des situations dans toutes leurs dimensions économiques, sociales, environnementales, culturelles et citoyennes.

Michel Rocard a toujours cherché aussi à inscrire son action politique dans l’espace, du local au global. Il était fier et heureux d’avoir pu exercer sa fonction de maire de Conflans-Sainte-Honorine, comme il était toujours disponible pour venir nous rencontrer à travers le pays dans nos villes, nos départements et nos régions.

Avec plus de 600 inscrits, la salle était très vite comble.

Avec plus de 600 inscrits, la salle était très vite comble.

Il m’est difficile de dénombrer toutes ses venues à Grenoble, des Rencontres de 1966 au colloque sur l’enseignement avec le Prix Nobel Charpak, en passant par les dizaines de réunions politiques et meetings électoraux qu’il y a présidés.
Le local et le global, tous les niveaux étant liés dans son esprit : l’Europe bien sûr, l’Afrique continent d’avenir, le monde à organiser, la planète à préserver…

En près de 70 ans d’action politique, Michel Rocard a pratiquement tout été : haut fonctionnaire, élu local, national (député, sénateur, parlementaire européen), ministre, Premier ministre, ambassadeur, chef de parti (PSU puis PS).
Certains soulignant cependant, à regret ou à défaut, qu’il n’avait pas été Président de la République. Nous l’avions souhaité. Il l’avait voulu. Il ne l’a pas été. Comme Jaurès, comme Mendès France. Et avec le recul, ne pourra-t-on pas dire qu’ils auront laissé une trace dans l’Histoire plus profonde que certains présidents?

En près de 70 ans d’action politique, Michel Rocard aura suscité beaucoup de fidélités et de vocations, aura constitué beaucoup de réseaux de militants, de responsables et d’amis.
Mais qui peut dire aujourd’hui qu’il aura été de tous ces combats : de la décolonisation aux pôles, de l’Algérie à la Nouvelle Calédonie, de la décentralisation à l’organisation mondiale aux plans économiques, sociaux et environnementaux ? Assurément personne.
Voilà pourquoi il me semble plus raisonnable de parler d’héritages que d’héritiers. D’héritages à faire fructifier. En s’en montrant dignes.

Mes amis, si Michel Rocard a tant séduit, convaincu, entraîné dans son sillage, c’est qu’il avait un charisme exceptionnel et une magnifique intelligence.
Intelligence conceptuelle et même érudite, bien sûr.
Intelligence imaginative, inventive, créative, aussi.
Intelligence communicative, chaleureuse, généreuse, surtout.
Il donnait envie d’y aller, avec lui, pour lui.

Mes amis, combien de fois, avons-nous été captivés par ses discours, véritables fresques historiques et universelles qui commençaient souvent par une dénonciation implacable du capitalisme financier, total, flamboyant et mortifère, qui se poursuivaient par une mise en garde contre une Europe à la dérive, et par la description d’un monde au bord du naufrage climatique.
Mais il terminait toujours par des propos d’une espérance sans faille dans la social-démocratie, d’une confiance sans bornes dans les futures générations œuvrant à l’avenir de notre pays et de la planète.
Il était, à mes yeux, l’illustration vivante (et vibrante) de ce que disait Jean Cocteau en nous exhortant à « passer d’un regard qui dévisage à un regard qui envisage ».