Ce premier Bureau National du Parti Socialiste de 2016 s’annonçait chaud bouillant.
Il restera pourtant dans les annales du PS comme une séance certes de longue durée mais ayant permis un débat de bon niveau.
Au-delà des échanges de vœux, c’est bien sûr l’annonce de déchéance de nationalité pour les binationaux dans le projet de réforme constitutionnelle (article 2) faite par le Président de la République qui a fait l’essentiel des débats.
En tant que président du Conseil National du PS, j’ai tenu à rappeler ma position.
D’abord pour regretter qu’en ce début d’année, on demeure sur un mode trop défensif, maintenant un climat anxiogène lié aux attentats du 13 novembre et au niveau très élevé du chômage. La peur est toujours mauvaise conseillère et l’on serait bien avisé d’adopter une attitude plus offensive, plus porteuse d’espoir, plus tournée vers l’avenir et les autres. En parlant investissement public, au plan national, local et européen. En relançant vigoureusement la politique de la ville dans les quartiers populaires les plus fragiles. En déclinant les décisions de la COP 21, qui fut un véritable succès…
Abordant la question controversée de la déchéance de la nationalité, j’ai plaidé pour qu’on prenne conscience du piège dans lequel on s’enfermerait en persévérant dans la voie retenue officiellement aujourd’hui.
Piège de l’inutilité pour les personnes concernées, insensibles à l’effet dissuasif de la mesure. On peut même imaginer que pour les terroristes ou apprentis terroristes, qui ont une véritable haine de la France et des Français, la perte de nationalité serait pour eux une ultime voire une posthume reconnaissance.
Piège de l’incompréhension pour tous les binationaux désormais soumis à un traitement différent des nationaux. On imagine sans peine qu’une telle mesure est ressentie très négativement notamment par les binationaux franco-maghrébins. Cela rappelle malheureusement pour moi le triste et délétère discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy de 2010.
Et l’approbation, même massive, des Français sondés ne me fait pas changer d’avis. À chaque drame de cette nature, les réactions de la population sont d’autant plus fortes que l’émotion suscitée par l’horreur et l’amplitude de la tragédie est élevée.
Les responsables politiques doivent s’interdire de graver dans le marbre des tables constitutionnelles des dispositions qui relèvent plus de l’émotionnel que du rationnel, du court terme que du long terme.
Piège de l’incohérence pour un pays porteur des valeurs universelles des droits de l’homme, pour une société laïque et pluri culturelle qui doit penser au contraire à afficher des couleurs d’ouverture multinationale. Notre identité nationale ne saurait dériver, même en période de crise et de terrorisme, vers un repli identitaire contraire à la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, rédigée après la Seconde guerre mondiale sur les cendres de la Shoah.
Il faut désormais sortir de ce triple piège par le haut. Comme en montagne, quand on s’est trompé d’itinéraire et que l’orage gronde. Montrons qu’ensemble, Président de la République, gouvernement et parlementaires, nous sommes capables de trouver la solution intelligente, compréhensible et acceptable par tous, en France comme à l’étranger.
Réponse définitive du PS le 18 janvier prochain.