J’ai pu participer à un intéressant échange avec Benjamin Stora, Président du conseil d’orientation de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, sur la permanence d’une mémoire coloniale dans la France d’aujourd’hui. Voici les grandes lignes de son exposé :
Le nationalisme français est né par réaction de la fin de l’empire.
De Gaulle a maintenu un sentiment national après 1962 par ses grands discours dans le monde au Cambodge, au Canada, en Amérique du Sud,…
Aujourd’hui, dans le registre de la grandeur, on retrouve cette nostalgie de l’empire et la non-acceptation d’une France moins en vue et qui doit compter avec d’autres pays qui ont émergé sur la scène internationale. Cette grandeur perdue est née pour les nationalistes de la décolonisation. Elle se polarise sur l’immigration, notamment maghrébine.
Il faut aussi regarder de l’autre côté. L’Algérie a sur valorisé l’indépendance sur une base nationaliste qui est rejetée par les nouvelles générations qui assimilent cette attitude au pouvoir politique qui s’accroche depuis la guerre d’Algérie.
Aujourd’hui, nous en sommes à la troisième génération depuis la guerre d’Algérie et nous sommes très en retard sur le travail de mémoire, politique mais aussi universitaire. Par exemple, la guerre d’Algérie sous De Gaulle a été terrible car il voulait négocier avec un FLN à genoux, dans un contexte de nationalisme arabe et de non-alignement. Entre 1962 et 1970, l’Algérie était devenue la mosquée des révolutionnaires et des tiers-mondistes. Les conseillers français étaient à côté de la plaque en préconisant une politique d’industrie lourde dans un pays massivement agricole. Mais on n’a pas tiré tous les enseignements de cette période…
On assume l’histoire par la fin (les harkis, les pieds-noirs,…) mais jamais sur les causes de la colonisation et de la conquête, ce qui rend les choses incompréhensibles. Tout en reconnaissant que c’est difficile car c’est une page controversée de l’histoire de notre République.
Par ailleurs, tous les pays arabes, sans exception, ont fait de l’islam une religion d’Etat, suite à des batailles continues contre toutes les formations politiques ou féministes laïques. Partout, on a assisté à un écrasement des mouvements démocratiques, féministes au nom de la lutte contre l’islamisme. L’islam n’est pas homogène, c’est un combat historique qui demande à être connu.