Le Parti Socialiste est à l’heure des choix. Avec mon ami Alain Bergounioux, secrétaire national, nous avons pris l’initiative de la publication d’un texte d’orientation.
Les signataires de ce texte, très attachés avec Dominique Strauss-Kahn à la modernisation du Parti Socialiste, à laquelle ils ont pleinement contribuée dans le cadre de Socialisme & Démocratie, estiment qu’ils doivent librement apporter aux militants des propositions sur des questions clés. Ils le font désormais en leur nom propre, dans une démarche de rassemblement.
Notre soutien à Dominique Strauss-Kahn était fondé sur le souci de définir avec lui une véritable cohérence entre l’efficacité économique et la solidarité sociale, entre une vision moderne de la société et l’ambition de mettre en œuvre des politiques qui permettent une égalité réelle, entre l’attachement au dessein européen et à la rénovation des outils d’un Etat réorganisé.
C’est cette cohérence que nous continuons à rechercher aujourd’hui et que nous ne retrouvons pas dans la démarche initiée autour des " reconstructeurs ". Nous avions clairement indiqué, au sein de Socialisme & Démocratie, depuis plusieurs semaines, que le dialogue devait être conduit de manière privilégiée avec Bertrand Delanoë pour ouvrir la voie à une motion majoritaire, authentiquement rénovatrice. Ceci nous amène à préciser les points sur lesquels nous voulons avancer, et enrichir sa contribution au débat.
La déclaration de principes, à laquelle ont travaillé les signataires de ce texte, est une solide base de départ. Mais il faut évidemment aller plus loin dans la préparation de notre Congrès.Voici dix propositions que nous livrons à la discussion.
1. NOTRE PLACE DANS LA MONDIALISATION
. C’est le fait central du temps : un mouvement qui permet à de nouveaux acteurs de peser dans la marche du monde, mais qui, entraîné par une circulation des capitaux sans régulation efficace, porte des mutations douloureuses et de nouvelles inégalités. Pour y faire face, chacun veut accentuer l’effort d’éducation, de formation, de recherche et d’innovation. Mais soyons clairs : il faut aussi une profonde reconversion de notre appareil productif. Et, pour cela, moderniser radicalement le marché de l’emploi par la " flexi-sécurité " négociée, donnant des droits réels aux salariés dans les adaptations inévitables. L’hésitation devant ce choix a éloigné de nous une majorité des salariés du privé en 2007. L’immobilisme, c’est la voie du dépérissement lent ; et notre pays, avec ses atouts, ses entreprises et ses services publics, agirait mieux pour la régulation s’il avait retrouvé le dynamisme.
2. L’EUROPE.
La construction européenne connaît une crise grave. Il appartient aux responsables politiques socialistes européens qu’elle ne soit plus vécue comme une obligation subie mais qu’elle redevienne un choix progressiste. L’aide au développement, le rééquilibrage des échanges mondiaux, l’action pour la paix, le renforcement des droits humains, l’économie sociale et écologique de marché, c’est l’Europe ! Alors reconnaissons que l’Union ne se réduit pas à la France. Au lieu de cultiver notre singularité, travaillons à des convergences dans la gauche européenne. Après notre impasse collective sur le traité institutionnel et le " non " irlandais, engageons un travail concret sur une redéfinition des outils économiques et sociaux européens, proposons aux socialistes européens l’organisation d’un grand débat sur le sens et les finalités de l’Union, réfléchissons aux conditions d’une avant garde de pays européens décidés à aller plus loin dans l’intégration.
3. L’EGALITE REELLE DES CHANCES
. La défense de l’égalité de principe a marqué le discours socialiste. Souvent nous nous sommes bornés à compenser les inégalités déjà creusées. C’est une raison des impasses actuelles (aggravées par les politiques de droite) en matière de logement, d’éducation, de discriminations. C’est à la source, dans les qualifications et la formation des revenus, dans l’entreprise, dans l’école, qu’il faut s’attaquer aux inégalités de départ. Répartissons services publics et ressources de façon à construire une égalité réelle des chances, par une révision profonde de nos politiques sociales et fiscales. Ce faisant, on éliminera la préférence bien française de la rente sur l’esprit d’entreprise.
4. LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION
nous impose deux réalités majeures. Sur les retraites d’abord : nous voyons les effets très inégalitaires des règles actuelles de la répartition – qui à terme menacent son existence. Dans un monde aussi divers, il n’est plus possible d’avoir un âge fixe pour la retraite. Il faut, selon la pénibilité du travail et l’expérience, des départs modulés d’après les parcours d’emplois. Ensuite la dépendance : l’engagement solidaire de tous, y compris sur le patrimoine, doit être un choix assumé de la gauche à ce sujet. Dans la protection sociale il ne peut y avoir de droit sans devoir.
5. LA PRESERVATION DE LA PLANETE
. Notre déclaration de principes exprime cette exigence, et dit les conditions pour le progrès futur de la science. Cette voie tracée nous force à changer de pensée sur les ressources énergétiques, les déplacements, l’encadrement de l’économie de marché. La gauche, encore marquée par des réflexes anciens, doit construire sa cohérence en posant ensemble les défis économiques, sociaux et écologiques.
6. L’ENTREPRISE.
Face aux défis posés par la mondialisation, l’entreprise constitue un des lieux principaux d’innovation et de création de richesses. Pour nous, elle doit s’engager davantage dans des politiques de développement durable. Nous devons définir une politique ambitieuse pour l’entreprise, à la fois pour améliorer la compétitivité de notre économie et favoriser la mise en place d’une réelle démocratie sociale.
7. LA PLACE ET LE ROLE DE L’ETAT.
Face aux attaques constantes de la droite, évitons le simple réflexe de conservation. Comme nos élus de terrain, abordons l’avenir du service public par l’innovation, non par le statu quo. Choisissons l’adaptation résolue de l’Etat, de ses moyens, de ses méthodes dans une société changeante. Cela passe par la négociation avec les partenaires de la fonction publique sur la mobilité et la polyvalence dans le statut, la rémunération adaptée aux conditions d’emploi. La légitimité du service public, c’est la satisfaction équitable des besoins.
8. LES FLUX MIGRATOIRES.
Les socialistes ont à juste titre écarté la régularisation globale, impraticable en responsabilité. Mais le thème de l’immigration choisie reste flou : on ne peut pas piller les plus qualifiés dans les pays pauvres. Le " cas par cas " préconisé à la dernière présidentielle est incompris des peuples du Nord comme du Sud. En traitant avec justice ceux qui sont déjà sur notre sol, il faut engager une politique claire d’admission fixée en partenariat selon les besoins économiques européens et les choix de développement des pays d’émigration.
9. LES INSTITUTIONS
. Notre discours fluctue. Nous appelons à renforcer le Parlement et ses pouvoirs, mais comment nier le poids politique de la fonction présidentielle qui est la préférence massive des Français (et aussi notre héritage !). Précisons de façon cohérente les prérogatives essentielles du Parlement, les principes durables de la décentralisation et de la péréquation locale, la limitation réelle du cumul des mandats, la démocratie sociale que les syndicats ont su faire progresser.
10. L’AVENIR DE LA GAUCHE
. L’urgence est de redynamiser un parti de militants et non de supporters ; un parti " intellectuel collectif ", au travail avec un leadership entreprenant. Un parti qui écoute et comprenne la société pour proposer son nouveau pacte social et politique, et qui dans cette optique devra réfléchir au dialogue avec ses électeurs pour le choix de son candidat à l’élection majeure. Ce parti renforcé, c’est notre outil pour l’alternance ; c’est une voie plus sûre vers le succès collectif de la gauche que les assemblages artificiels d’organisations juxtaposant leurs incertitudes.
Ces propositions, versées au débat, ne visent pas l’unanimité mais elles s’adressent d’abord à celles et ceux qui veulent proposer aux adhérents la création d’une majorité claire autour d’un réformisme revendiqué et d’une direction forte. Le PS ne se reconstruira pas dans l’ambiguïté et la confusion mais dans des choix et des responsabilités assumées. Nous prenons aujourd’hui les nôtres.
Les premiers signataires de ce texte : Patricia Adam (Députée du Finistère), Alain Bergounioux (Secrétaire national du PS), Pierre Bourguignon (Député de Seine-Maritime), Daniel Delaveau (Maire de Rennes), Marc Deluzet, Michel Destot (Maire de Grenoble, Député de l’Isère), Claude Evin (ancien ministre), Charles Josselin (ancien ministre), Dominique Lefebvre (maire de Cergy), Dominique de Nayves, Alain Richard (ancien ministre), Bernard Soulage (1er vice-président de la Région Rhône-Alpes), Catherine Tasca (Sénatrice des Yvelines).