Ce matin, j’ai rapporté devant mes collègues députés en séance publique le Projet de loi autorisant l’accord franco-italien pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. Celle-ci représentera une petite part du grand projet d’infrastructure européen reliant l’Ukraine au Portugal, qui facilitera l’échange transnational des voyageurs et des marchandises.
Le projet de loi a été défendu avec ferveur par plusieurs de mes collègues, ainsi que par le Ministre délégué chargé des Affaires européennes, Thierry Repentin, et par moi-même.
La quasi-totalité des groupes politiques s’est unie autour de ce projet primordial pour l’Union européenne, dans l’opposition comme dans la majorité. Le projet de loi a ainsi été adopté par une large majorité, concrétisant enfin une volonté née dès la fin des années 1990.
Je vous invite à prendre connaissance de mon intervention.
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Madame la Présidente de la CAE,
Mes chers collègues,
C’est un honneur et un plaisir, pour moi, de rapporter, ce matin, devant vous, ce projet de loi autorisant l’approbation de l’accord franco-italien du 30 janvier 2012 pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire, entre Lyon et Turin
Un honneur car l’examen de ce texte, en commission des affaires étrangères, la semaine dernière, laisse entrevoir un soutien significatif de la représentation nationale pour un projet concret, un projet majeur et structurant sur lequel je souhaite revenir brièvement.
Et d’abord, pourquoi vouloir créer une nouvelle liaison ferroviaire transalpine ?
Le constat est simple : l’existant n’est pas satisfaisant. Les principaux axes qui relient notre pays à l’Italie – qui est notre deuxième partenaire économique européenne avec près de 70 milliards d’euros d’échanges par an – sont soit saturés soit obsolètes et dangereux. Mon rapport recense l’ensemble de ces inconvénients. Par exemple, la voie ferrée qui conduit au tunnel ferroviaire actuel souffre de pentes, excessives, allant jusqu’à 3,3 %, soit bien plus que le seuil de référence fixé à 1,2 % pour les trains de marchandises. Ce facteur, auquel s’ajoute la sinuosité de la ligne, limite fortement la vitesse des convois qui ne peut excéder 30 km/h sur certains tronçons.
Aussi, aujourd’hui, l’essentiel du trafic transalpin passe-t-il par la route, que ce soit par les tunnels du Mont-Blanc ou du Fréjus ou par l’autoroute A8 qui longe la côte méditerranéenne. Ces axes constituent une vraie nuisance pour l’environnement et posent un réel problème en matière de sécurité comme l’ont montré les accidents dans les 2 tunnels routiers, en 1999 et en 2005.
Le projet d’une nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin vise donc à pallier ces insuffisances en permettant de basculer, de la route vers le fer, le trafic de marchandises traversant les Alpes franco-italiennes. Près de 2,7 millions de poids lourds franchissent annuellement les passages franco-italiens, soit près de 7.400 camions par jour. Au total, 40 millions de tonnes transitent chaque année, par les divers modes de transport, à travers les passages franco-italiens, entre Léman et Méditerranée. Cet ordre de grandeur de 40 millions de tonnes est d’ailleurs celui de la capacité de la future ligne Lyon-Turin, capacité qui sera donc disponible pour le fret indépendamment des trains de voyageurs. Le projet est donc cohérent pour permettre un report modal efficace de la route vers le rail – et c’est là l’élément essentiel du projet – report modal aussi par un transfert de passagers des avions vers les trains puisque les gains de temps escomptés pourraient drainer plus d’un million de personnes par an.
Lyon et Turin seront reliés en environ 1h45, contre près de 4 heures aujourd’hui. Paris et Milan seront reliés avec un temps de parcours proche de 4h30 contre 7 heures aujourd’hui. Et cela vaut aussi pour les dessertes d’Annecy, de Chambéry et de Grenoble.
Mes chers collègues, à ce jour, les travaux de la ligne en tant que telle n’ont pas commencé. Bien évidemment, de nombreuses études ont été menées et, en ce qui concerne le « tunnel de base, » le principal ouvrage transfrontalier de 57 km de long, 3 galeries – 3 descenderies – ont été construites côté français et une est en train de l’être côté italien.
L’accord dont nous sommes saisis vise à aller plus avant dans le processus de réalisation de la ligne et fixe les conditions dans lesquelles cet ouvrage, au terme de sa réalisation, sera exploité.
L’une des principales dispositions de l’accord est la création d’un nouveau promoteur public qui succèdera à celui créé en 2001 et qui était chargé de mener les études et travaux préparatoires. Ce nouveau promoteur sera chargé de la conduite opérationnelle et stratégique de la partie transfrontalière du projet, c’est-à-dire, pour l’essentiel, du tunnel de 57 km que je viens d’évoquer. Jusqu’à présent, le promoteur dépendait des gestionnaires d’infrastructures des réseaux ferrés nationaux, RFF et RFI. A l’avenir, il sera directement contrôlé par les États eu égard à l’importance de l’investissement.
Je signale que la réalisation de cet ouvrage majeur devrait générer, au plus haut de l’activité des chantiers de la section transfrontalière, plus de 3.500 emplois directs et indirects, en France et en Italie.
Par ailleurs, l’accord revêt une dimension financière importante. En particulier, il fixe une clef de répartition pour la réalisation du tunnel : la
France ne financera que 42,1 % des travaux et l’Italie 57,9 % alors que le tunnel étant majoritairement situé en France, une application rigide du principe territorial aurait conduit notre pays à payer plus que l’Italie pour un ouvrage profitant aux deux États. En fait les accès français étant plus coûteux, la clef de répartition retenue permet de mieux assurer une parité globale, entre les deux pays, dans la réalisation du tunnel de base et des accès.
Mes chers collègues, la ratification de l’accord est indispensable pour envisager le début des travaux de la section transfrontalière, lesquels ne pourront débuter qu’après la conclusion d’un nouveau traité comme le prévoit l’article 4 de l’accord franco-italien initial du 29 janvier 2001.
Et puis, autant en parler maintenant car j’imagine que ces questions seront soulevées au cours du débat général, je ne partage pas les conclusions de la Cour des comptes dans son référé d’août 2012. L’augmentation des coûts prévisionnels entre 2002 et aujourd’hui est indéniable mais est due, notamment, à l’inflation et à un renforcement significatif des règles de sécurité. On ne peut pas s’en plaindre ! De même, il est inexact de dire qu’on n’aurait pas étudié suffisamment l’hypothèse d’une amélioration de la voie ferroviaire qui existe déjà. Transformer la ligne historique serait extrêmement coûteux, puisqu’en fait il faudrait tout casser petit à petit – ce qui veut dire interrompre le trafic ! – et ça durerait beaucoup plus longtemps que les 10 ans de travaux du Lyon-Turin.
De même, je veux affirmer que le rapport de la Commission Duron ne remet pas du tout en cause le projet de cette nouvelle ligne ferroviaire.
Je veux rappeler que la Commission avait exclu le tunnel de son périmètre d’analyse qui ne prenait pas en compte les projets européens. S’agissant des accès français, elle a souligné l’intérêt, à terme, de leur réalisation et si elle a évoqué les incertitudes sur le calendrier du tunnel, elle n’en a pas moins recommandé un suivi spécifique d’ici cinq ans, soit 2018. Et c’est là une échéance parfaitement compatible avec une durée de chantier d’une dizaine d’années, au minimum, pour le tunnel de base. Enfin, non seulement la Commission Mobilité 21 n’a pas écarté le projet de la ligne ferroviaire mixte mais elle a aussi souligné la dimension européenne de ses enjeux puisqu’elle a pris soin de rappeler que la France doit inscrire sa politique de mobilité « dans une cohérence avec l’espace et les flux européens pour assurer une meilleure interopérabilité et au-delà une meilleure intégration de notre territoire dans l’Union ».
C’est d’ailleurs sur cette dimension européenne que je souhaite conclure mon propos.
Bruxelles soutient le projet du Lyon-Turin, lequel est un pilier du réseau transeuropéen de transport. L’U.E est prête à apporter une contribution financière significative puisque sa part va atteindre 40 % du coût des travaux du tunnel transfrontalier évalués à 8,5 milliards d’euros pour lequel la contribution française sera finalement de 25 % (avec donc 40% pour l’Europe et 35% pour l’Italie).
Cette contribution européenne est un élément décisif pour la poursuite du projet. Les gouvernements français et italien ont souligné, l’an dernier, leur attachement à la participation financière la plus élevée possible de la part de l’Union européenne et ils ont été entendus.
Il appartient désormais à l’Assemblée nationale de marquer son soutien à la future liaison ferroviaire mixte, à quelques semaines de l’ouverture du prochain sommet franco-italien qui aura lieu le 20 novembre, à Rome. Ce sera là un geste fort qui confirmera l’engagement de la France en faveur du projet et qui ne pourra que conforter l’Italie dans sa démarche volontariste. Un engagement qui, je tiens à le rappeler, a pris forme durant la présidence de François Mitterrand et qui a été renouvelé par tous ses successeurs jusqu’à aujourd’hui (avec J. Chirac, N. Sarkozy et F. Hollande).
Mes chers collègues, je conclus avec A. Camus qui dans « l’homme révolté », écrivait que « la vraie générosité envers l’avenir, c’est de tout donner au présent ».
C’est dans cet esprit que comme la commission des affaires étrangères l’a fait à une large majorité, je vous invite à adopter, avec détermination, responsabilité et enthousiasme, le projet de loi qui nous est soumis.
A la lecture de réactions d’élus ou militants écologistes et de l’ADES de Grenoble ou de l’agglomération, je regrette de constater que cette générosité est moins partagée que nous pourrions l’espérer…