Je vous invite à prendre connaissance du discours que j’ai prononcé hier à l’occasion de ma dernière cérémonie des vœux au personnel communal. Je tiens à redire ici à quel point j’ai été touché des applaudissements et remerciements qui m’ont été adressés hier par les collaborateurs présents.
Heureux et ému d’être ici pour la dernière fois.
D’habitude, nous évoquons ici à la fois le bilan de l’année écoulée et les perspectives pour l’avenir.
Il sera surtout question aujourd’hui de l’immense reconnaissance que je souhaite exprimer d’emblée aux artisans fidèles et dévoués à la cause du service public que vous aurez été à nos côtés.
Une reconnaissance qui s’adresse à vous tous qui êtes là – mais qui va aussi à toutes celles et tous ceux qui auront contribué à la mise en œuvre de la politique municipale depuis 1995.
En ce début d’année 2014, nous en sommes à presque 20 ans de projets partagés.
Vingt ans qui n’ont pas été idylliques, bien sûr : nous avons affronté des difficultés, des tensions, des malentendus, des désaccords, des motifs d’insatisfaction réciproque. Toute communauté humaine est forcément imparfaite, conflictuelle et souvent injuste…
Mais au total, je le crois très sincèrement, une belle page de l’histoire de notre ville et une métamorphose à la mesure des enjeux de la modernité.
Au moment où je regarde toutes ces années, je peux vous dire le poids que représente au quotidien le sentiment très fort des difficultés du « vivre-ensemble » dans une ville comme Grenoble – et c’est d’ailleurs le cas dans toute concentration urbaine.
Je peux vous dire aussi que j’aurais, comme vous, traversé des périodes où j’aurais été irrité, lassé ou désabusé. Par les incivilités. Par l’ingratitude de certains. Par l’inconscience de beaucoup de l’effort qu’il faut faire pour que les valeurs républicaines s’imposent et que la concorde règne au-delà des turbulences du monde – et malgré elles. Par la complexité des enjeux à relever collectivement, dans un monde en pleine transformation. Un monde qui aspire à la réforme sans y consentir tout à fait.
Mais je peux vous dire que je n’ai jamais perdu confiance en notre capacité à faire face. Et que vous n’êtes pas pour rien dans cette ferme assurance.
Mes successeurs porteront leur regard en toute liberté, sur ce que nous aurons réalisé durant toutes ces années. Il n’est pas question de vous infliger maintenant une longue énumération de ce qui a marqué la vie municipale depuis 1995. D’abord parce qu’il y a beaucoup à dire …. et en tout cas certainement trop pour ne pas lasser votre patience. Ensuite parce que toutes les réalisations, des plus grandes aux plus petites, sont pour moi un égal motif de fierté… et je ne voudrais pas honorer les unes aux dépens des autres. Enfin parce qu’il n’y a pas que ce que nous avons fait qui mérite d’être rapporté, mais aussi ce que nous avons vécu et partagé… et de ce point de vue, l’expérience n’est pas réductible à un seul discours.
Parmi tous les faits qui m’auront particulièrement marqué durant toutes ces années de mandat, j’en ai finalement retenu six.
D’abord, l’accident du Drac le 4 décembre 1995. Ce jour-là, 22 élèves de l’externat Notre-Dame cheminaient sur le lit du Drac avec leur enseignante et une accompagnatrice de la ville de Grenoble pour aller observer l’habitat des castors dans le site de la Rivoire. Après avoir traversé à gué une partie de la rivière, le groupe rebroussait chemin lorsqu’il s’est trouvé pris au piège par la montée brutale des eaux provoquée par un lâcher d’eau du barrage en amont. Six élèves sont morts dans cet accident, ainsi que l’accompagnatrice.
La pensée de ces enfants et de cette accompagnatrice ne m’a jamais quitté depuis. Et je tiens à évoquer leur mémoire aujourd’hui parce qu’elle m’oblige et m’obligera toujours en tant que responsable politique – et bien au-delà des seules décisions de la justice des hommes.
Le deuxième fait, c’est la reprise de la maîtrise publique de l’eau par la Ville de Grenoble, via la « Société des eaux de Grenoble » au printemps 1996. La nouvelle majorité municipale mettait ainsi fin aux errements du passé. La question de la morale de l’action est une préoccupation constante pour l’homme engagé que je suis. Et j’ai conscience d’avoir été élu en 1995 par les Grenoblois dans cette attente. J’espère avoir été à la hauteur de cette exigence, qui m’a guidé au quotidien. Mais je dois dire que j’ai eu la chance de croiser sur mon chemin beaucoup de personnes porteuses de cet idéal et qui le partageaient généreusement – y compris au sein de cette assemblée. Et je les en remercie.
Le troisième souvenir qui s’est imposé, est celui du concert de Gilberto Gil qui a fait vibrer et danser durant quelques heures près de 30 000 spectateurs aux rythmes de ses mélodies brésiliennes au parc Paul Mistral le 5 juillet 2005. Mais derrière ce souvenir, il y a tous les moments de fête que nous avons partagés : le 30ème anniversaire des JO de 1968, la nuit du passage à l’an 2000, les feux d’artifice sur les quais puis dans le Parc Mistral, le 60ème anniversaire de la Libération de Grenoble en 2004, la réouverture de l’ancien Cargo devenu MC2, les 30 ans puis les 40 ans de la Villeneuve, les concerts publics de début d’année et de l’été, les festivals, les fêtes de quartier, les étapes du Tour de France, les grands matchs, les rencontres de tous ordres… Au fond, tout ce que la culture et le sport peuvent offrir dans les murs ou hors les murs, à une grande foule ou à quelques-uns, à travers le spectacle, le jeu ou dans la tranquillité d’une visite dans un musée, une bibliothèque ou une exposition. Et je sais que ces moments jalonnent la vie professionnelle du personnel municipal. Pour le meilleur et parfois pour le pire, parce que ce sont aussi des moments où la pression est forte… aléas de la météo compris !
La quatrième image qui m’est venue quand j’ai préparé cette intervention, est celle de l’implosion en 2006 de l’autopont qui traversait le cours Jean Jaurès. Ce moment, qui a été très fort pour moi comme pour beaucoup de Grenoblois, n’est au fond qu’un petit événement rapporté à l’ampleur des projets urbains menés depuis 20 ans. Mais il est symbolique. Symbolique de la nécessité pour toute ville de savoir rompre avec son passé quand la place vous est comptée et quand l’obsolescence est là. C’est ce que nous avons fait à Teisseire, à Mistral, sur le site de Bonne, sur l’Ile Verte, sur les quais et sur Saint-Laurent, dans le quartier Châtelet et maintenant à la Villeneuve. Ce sont les projets lancés aujourd’hui pour l’Esplanade, la Presqu’Ile, Flaubert … Déconstruire, défricher, découvrir, relier, reconstruire, désenclaver, rénover, dévoiler, souligner : autant de gestes compliqués mais indispensables pour les générations futures.
Le 5ème point que je voulais évoquer, c’est le lancement du projet Minatec en 2000, pour fédérer le triptyque enseignement / recherche / valorisation industrielle. Cette structure, portée à l’époque par la Ville, la Métro, le Conseil général, la Région, l’Etat, le CEA et l’INPG, rassemble aujourd’hui plus de 2400 chercheurs, 1200 étudiants et 600 industriels. Et il est devenu le premier pôle d’innovation européen en micro et nano-technologies. Cela vous étonnera peut être mais pour moi, ce projet est inséparable d’un autre qui m’est très cher aussi, qui est celui du programme « Parler Bambin », porté par le CCAS. Ce programme vise à lutter contre les causes sous-jacentes des inégalités dès la petite enfance. Pour le socialiste que je suis, l’économique et la solidarité sont indissolublement liés. De mon point de vue, la création de valeur n’a de sens que rapportée à son usage – au profit du plus grand nombre et de la justice sociale. C’est pourquoi, je mets au même rang l’économie, l’innovation, la recherche, et les politiques menées en direction de la jeunesse, des personnes âgées, des plus fragiles. Et j’y ajoute la protection des personnes, des biens et de la qualité de notre environnement. Car, je le dis souvent, la sécurité, c’est de mon point de vue, la première des solidarités.
Enfin, le dernier souvenir qui me tient à cœur, c’est l’aboutissement du projet Reemdoogo, en 2004, trait d’union musical et artistique entre Grenoble et Ouagadougou initié dans le cadre de la coopération décentralisée entre Grenoble. Là encore, je le répète très régulièrement, un des aspects de notre ville que je préfère, c’est son ouverture au monde, sa sensibilité à la différence, sa capacité à faire vivre ensemble des gens de toutes origines dans le respect mutuel, sa diversité. Et finalement, le rapport de confiance qu’elle entretient avec elle-même, sa capacité à se renouveler et à se réinventer. J’aurais pu citer beaucoup d’autres liens tissés à travers le monde, y compris sur le territoire de notre commune, avec par exemple la Cité Scolaire internationale ou les programmations culturelles petites et grandes.
Je vais conclure avec des remerciements encore – car sans vous, rien de tout cela n’aurait été possible.
Avec des encouragements aussi, car les années qui viennent vont être passionnantes mais chargées pour les agents des collectivités territoriales. Des élections, un agenda social ambitieux, la poursuite de la réforme de l’Etat et de la décentralisation, les changements annoncés dans le domaine de la politique de la ville, du logement, de la fiscalité, de l’éducation, de la police … Et puis, bien sûr, la réforme des collectivités et la mise en place de la Métropole grenobloise en 2015, qui va amener beaucoup de changements.
Et pour finir, des vœux, bien sûr … Nous entrons en 2014 dans une série de commémorations. De la Grande Guerre de 1914-1918 sont nés les deux totalitarismes qui ont durablement ravagé l’Europe et une grande partie du monde. L’honneur du service public, c’est de contribuer sans relâche à nourrir, à faire vivre le contrat « citoyen » avec la République. Alors, je forme le vœu que l’action publique, à Grenoble comme ailleurs, reste guidée par un certain idéal de vivre-ensemble. Le vœu que notre destin collectif se poursuive avec au premier rang de ses valeurs de référence la dignité de l’homme et le respect des droits humains.