Soirée exceptionnelle hier soir au Musée de Grenoble, dont nous fêtions les 20 ans de l’installation dans ses nouveaux locaux de l’Esplanade François Mitterrand, en présence de nombreuses personnalités dont plusieurs Consuls, parlementaires, élus municipaux, départementaux ou régionaux, sans oublier les acteurs culturels ou encore économiques comme Alain Mérieux, Président du Club des Mécènes du Musée.
20 ans ! C’était hier. Et pourtant, que de travail accompli depuis cette inauguration de janvier 1994 ! Un seul chiffre : au cours de ces 20 dernières années, le Musée a enregistré pas moins de 3, 5 millions de visiteurs !
On ne me contredira pas : 20 ans, c’est peut-être le plus bel âge de la vie. On est adulte tout en étant encore très jeune. On a la vie devant soi et des projets plein la tête. Adulte, notre musée l’est assurément. Il est même devenu une institution à part entière, qui nous est enviée et qui permet à Grenoble de rayonner sur le plan culturel bien au-delà de ses frontières, tout en assurant bien sûr ses missions premières au service des Grenoblois.
Mais la reconnaissance dont bénéficie notre Musée ne date pas d’hier, loin s’en faut. Le Musée a marqué les esprits dans la France entière, et ce dès son ouverture : Édouard BALLADUR, qui était venu l’inaugurer en tant que Premier ministre, m’en parlait encore bien des années plus tard lorsque nous siégions ensemble sur les bancs de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, dont il assumait alors la présidence.
Depuis, cet établissement a pleinement profité du cadre exceptionnel qui est le sien : Olivier FELIX-Faure, l’agence d’Antoine FELIX-FAURE et Philippe MACARY ont été des visionnaires en concevant ce bâtiment de plain-pied, permettant à la lumière d’éclairer les œuvres. Créant aussi et surtout un espace magnifique qui permet de répondre aux attentes de tous les amateurs d’art. Mais au-delà de ce bâtiment unique, le Musée de Grenoble est devenu une grande institution culturelle, une référence, un musée qu’on nous envie de toute part. C’est un musée qui suscite l’émerveillement d’un public toujours plus nombreux, enthousiaste et fidèle.
En effet, notre Musée possède la plus importante collection d’art moderne en France, après le Centre Pompidou de Paris. Il offre donc au plus grand nombre l’occasion de découvrir – ou de redécouvrir – ces œuvres majeures, créées par les plus grands artistes du siècle passé. Cette collection inestimable, nous la devons à un Conservateur de génie qui œuvrera une trentaine d’années dans notre ville : ANDRY-FARCY. Sous sa houlette, c’est par la porte grenobloise que l’art moderne fit son entrée dans les musées français. Grâce à sa politique inédite de présentation des avant-gardes, la réputation du Musée de Grenoble fut bien vite établie. Elle lui permit de bénéficier du concours de l’État pour accompagner l’enrichissement de ce fonds, en réalisant régulièrement des dépôts qui contribuèrent au prestige et au renom de nos collections.
Mais cette figure marquante de l’histoire culturelle de notre ville ne doit pas nous faire oublier qu’à sa suite, une grande lignée de Conservateurs poursuivit son œuvre sans discontinuer. Jean LEYMARIE, Gabrielle KUENY, Maurice BESSET, Marie-Claude BEAUD, Pierre GAUDIBERT, Serge LEMOINE et bien sûr notre Conservateur actuel, Guy TOSATTO, ont tous, par leurs politiques d’acquisition et leurs expositions temporaires, maintenu vivante la tradition de l’art moderne à Grenoble. J’ai tenu hier à leur témoigner une fois encore notre reconnaissance et notre gratitude pour avoir fait de notre Musée un haut lieu de l’art, aujourd’hui reconnu comme l’un des principaux de province, souvent cité en exemple à l’échelle européenne. Au-delà des seuls Conservateurs, j’ai aussi tenu à saluer l’engagement, le dévouement et la compétence de l’ensemble du personnel de notre Musée, auquel j’ai rendu hommage. J’ai salué aussi le concours de tous les partenaires qui nous ont accompagnés dans cette belle aventure culturelle : le Conseil général de l’Isère, l’État, le Club des Mécènes, l’association des Amis du Musée ou encore Musée en musique…
Les collections d’art ancien, moderne et contemporain de notre Musée, ainsi que son fonds remarquable d’antiquités égyptiennes, constituent un patrimoine exceptionnel qu’il nous faut continuer à préserver et mettre en valeur. Ces collections permanentes sont utilement complétées par de magnifiques expositions temporaires, qui rencontrent toujours un grand succès : comment ne pas se remémorer les émotions ressenties devant les œuvres de Chagall et de l’avant-garde russe (150 000 visiteurs, un record), ou plus récemment devant les sculptures de Giacometti ?
Loin de nous enfermer dans une conception patrimoniale de notre Musée, nous en avons fait un lieu toujours plus ouvert aux tendances actuelles de la création artistique.
La culture dans notre Musée est faite d’échanges entre le patrimoine et les créateurs de toutes origines, qui nous parlent du monde d’aujourd’hui, à l’image de notre ville qui ne cesse d’innover sans jamais oublier d’où elle vient.
Voilà une bonne façon de franchir le cap des vingt ans et de tracer l’avenir de notre Musée avec : des acquisitions prestigieuses, un accrochage en mouvement, une programmation sans ornière, et grâce à Guy TOSATTO, ouverte aux correspondances et aux résonances avec les créateurs de notre époque, une pédagogie adaptée à notre temps, une politique volontariste d’éducation artistique et culturelle en direction des 53 000 enfants accueillis chaque année, un musée accueillant à tous les publics, des expositions « hors les murs » permettant de réunir acteurs et habitants du quartier et d’aller au-devant d’un public souvent non averti pour le sensibiliser à l’art comme l’année dernière à la bibliothèque Teisseire-Malherbe ou dans quelques semaines à la MJC des Eaux-Claires.
Aujourd’hui plus que jamais, la fonction de notre Musée est aussi est surtout de stimuler notre sensibilité en nous faisant découvrir les courants contemporains de la création artistique. De nous enseigner à regarder ce que nous n’avons encore jamais vu. De nous apprendre à décrypter ce qui nous est encore inconnu. Rien de plus indispensable pour notre société dans ce contexte de crise économique, sociale mais aussi morale. Il est plus que jamais nécessaire – je dirais même vital – de redonner tout son sens à la culture.
D’abord parce qu’elle nous rassemble. Fédératrice et créatrice de conscience collective, elle est notre bien commun. Et nous devons mobiliser toutes nos énergies pour qu’elle soit un bien commun le mieux partagé possible.
Ensuite parce qu’elle permet de contrer les tentations de repli sur soi. En nous offrant un espace de partage, la culture est ferment de citoyenneté.
La lutte contre l’exclusion et pour la réduction des inégalités, le combat contre tous les populismes et les fondamentalismes passent indiscutablement par la culture, les arts visuels partageant avec la musique cette spécificité d’être un langage universel, intelligible de tous malgré nos différences.
Bien plus qu’un simple supplément d’âme, la culture est au contraire porteuse d’espoir dans un contexte de crise. Elle est porteuse d’espoir pour l’individu, à qui elle donne les clés qui lui permettent de mieux appréhender le monde qui l’entoure et d’agir sur lui. Elle est surtout – et quelle noble mission ! – porteuse d’espoir pour la jeunesse à qui elle permet de s’émanciper, de s’épanouir, de s’ouvrir aux autres et au monde dans le respect de la différence.
Voilà ce à quoi notre Musée, tel qu’il se présente désormais, s’avère plus que précieux. Il nous sert de guide. Il nous propose des pistes de réflexion qui ne nous sont pas forcément familières. Il affine notre esprit aussi bien que notre regard.
La place du Musée est au cœur de la Cité. Et nous ne pouvons qu’être reconnaissants pour tout ce qu’il nous a apporté et tout ce qu’il continue à nous apporter. J’ai donc formulé le vœu qu’il exerce longtemps encore, et toujours mieux, ses fonctions de stimulateur à l’égard du plus grand nombre.