Mesdames et Messieurs les Elus,
Messieurs les représentants de l’Association nationale des Croix de guerre et de la valeur militaire,
C’est avec beaucoup de chaleur et d’amitié que je souhaite la bienvenue à tous les récipiendaires de la croix de guerre et de la valeur militaire qui nous font ce matin l’honneur de répondre à notre invitation. Il n’est pas besoin de vous dire que vous êtes ici chez vous puisque vous vous trouvez parmi les vôtres. Je l’ai rappelé il y a un instant au monument aux morts, Grenoble est décorée de la croix de guerre. Notre citation pour cette médaille est identique à celle de notre Croix de la Libération. Le combat de Grenoble contre l’idéologie nazie fut aussi celui pour la restauration de l’indépendance nationale et pour la patrie.
Ces deux valeurs sont à nos yeux indissociables. Il n’y a pas de peuple libre dans une nation asservie. Depuis la Révolution française, depuis la République, la liberté constitue avec l’égalité et la fraternité l’une des trois composantes inaliénables de notre identité nationale.
Lorsque nous recevons en mairie les anciens combattants, j’ai toujours présente à l’esprit cette très belle phrase de Jean JAURES : « La patrie est le bien de ceux qui n’en ont pas d’autre ». Qu’ils soient riches ou pauvres, quelles que soient leurs croyances, qu’elles que soient leurs opinions, les Français partagent en effet un héritage immémorial que nous ont laissés, parfois au prix de lourds sacrifices, nos devanciers, au premier rang desquels nos anciens combattants.
L’Europe a été endeuillée par bien des conflits au cours des temps. La France s’est trouvée un jour ou l’autre en conflit avec chacun des 26 autres Etats qui ont depuis bâti avec nous l’Union européenne, cette terre de paix et de démocratie que le monde entier nous envie.
Il a fallu en bien des occasions des Français courageux et pleins d’abnégation pour sauver notre pays au moment où il semblait pourtant perdu. Les milices communales à Bouvines, Jeanne d’Arc et ses bons compagnons à Orléans, les volontaires de Valmy, tous ont permis aux générations suivantes de vivre dans la liberté et dans la dignité. Eh bien je dois vous dire avec beaucoup de fierté que nos anciens combattants ont été tout au long du XXème siècle fidèles à cette tradition patriotique.
La Croix de guerre a été créée en 1915 pour distinguer nos poilus les plus méritants. On dit que les guerres sont faites par tous mais qu’elles ne sont remportées que par quelques-uns. Je veux donc croire que ces quelques-uns sont précisément ceux qu’on a récompensé avec la croix de guerre. Durant la première guerre, votre médaille a orné la poitrine de poilus qui ont subi sans faiblesse l’enfer des tranchées, et grâce auxquels la France a remporté la victoire le 11 novembre 1918, un demi-siècle après le désastre de Sedan.
La croix de guerre a été remise en vigueur en 1939 lorsque les jeunes Français ont été de nouveau appelés au banquet de la mort pour défendre une fois encore le sol de la patrie. Les récipiendaires que vous êtes ont été toujours dignes de leurs glorieux aînés !
J’adresse en particulier un salut admiratif aux Croix de guerre qui ont été récompensés pour leur conduite héroïque durant la campagne de France en 1940. Il faut en finir une bonne fois pour toute avec les images fausses de la drôle de guerre, qui aurait vu des soldats d’opérette déposer les armes devant l’armée allemande. Les soldats français ont essuyé plus de pertes et ont tué plus de soldats allemands par jour durant la campagne de France que durant la guerre de 1914-1918. La défaite de juin 1940 a été celle de l’état-major et non celle de la plus ancienne génération du feu adhérant encore à votre association. J’en veux pour preuve – là encore les historiens sont formels – que l’ennemi subit plus de pertes après la débâcle que lorsque la chaîne de commandement n’avait pas encore été rompue.
Je veux également assurer de notre estime, de notre gratitude et de notre admiration les récipiendaires de la Croix de Guerre sur les Théâtres d’Opérations Extérieures et ceux de la valeur militaire. En Corée, en Indochine ou en Afrique du Nord, vous avez brandi haut le drapeau des Nations-Unies ou celui de la République.
Vous avez obéi avec scrupules aux ordres qui vous étaient donnés par les représentants du peuple français. Vous vous êtes battus pour maintenir le rang de la France. Je n’oublie pas non plus que ceux d’entre vous qui ont servi en Algérie en 1961 ont sauvé la République en résistant à une tentative de coup d’Etat. C’est dire là encore la dette imprescriptible que nous avons contractée à votre égard.
Il est donc bien naturel que nous vous recevions ce matin pour vous manifester la sympathie et le soutien des Grenoblois. Au-delà de ces occasions protocolaires, pour conviviales qu’elles soient, notre gratitude doit cependant avant tout s’exprimer par la transmission aux jeunes générations des valeurs pour lesquelles vous avez combattu. Il n’y a pas de patriotisme sans devoir de mémoire. Ce devoir est bien entendu guidé par le droit bien légitime qui est le vôtre de voir rappelés vos sacrifices et vos souffrances – plus encore, ceux de vos camarades tombés au champ d’honneur. Leur oubli serait un manquement grave à la conscience humaine, qui nous institue vos légataires moraux.
La Ville de Grenoble entend prendre sa part dans ce devoir de mémoire. Ville compagnon de la Libération, Grenoble assumera d’ici deux ans la plénitude de ses responsabilités dans la transmission de la mémoire de la résistance française en participant activement au Conseil national des communes compagnon de la Libération, qui est appelé à se substituer à l’Ordre de la Libération.
Les combattants de la seconde guerre mondiale et les résistants ont été honorés ces dernières années par de nombreuses appellations de voies publiques. Le général Alain LE RAY, chef militaire du Vercors et chef des FFI de l’Isère, et Henry FRENAY, fondateur de COMBAT, ont été les derniers distingués.
Les anciens combattants en Afrique du Nord ont vu pour leur part inaugurés une rue et un monument rappelant aux passants grenoblois les sacrifices qu’ils ont consentis. Enfin nous saisissons tout au long de l’année chaque occasion qui nous est donnée d’enseigner aux jeunes générations les pages d’histoire glorieuses que vous avez écrites.
Mesdames et Messieurs, nulle ville de France n’est plus tournée vers l’avenir que Grenoble. Les nano et les bio-technologies, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, la recherche pour le développement durable, nos innovations sociales et sociétales, tout conforte aujourd’hui Grenoble dans cette identité futuriste. Cependant il faut, pour aller loin, savoir d’où l’on vient. L’absence de mémoire nous priverait d’identité et donc de perspectives.
Et puis nous voulons vous honorer et enseigner vos faits d’armes parce que nous portons haut notre patriotisme. Là encore, il n’y a là aucune contradiction entre cette exigence et l’esprit d’universalisme qui caractérise une ville cosmopolite comme la nôtre, une ville ouverte sur le monde, une ville fière d’avoir réuni des habitants venus des quatre coins du monde pour replanter leurs racines au pied des Alpes.
Il nous est en effet possible de nous ouvrir aux autres tout en demeurant nous-mêmes. C’est même parce que nous nous trouvons à l’aise dans notre identité française, sans complexe et sans crainte, que nous sommes en mesure de dialoguer avec les autres cultures et de nous en enrichir. Je dois vous avouer de ce point de vue avoir mal compris certains débats sur notre identité nationale, où l’on a vu malheureusement des arguments stigmatisants, intolérants, xénophobes et parfois même racistes chercher à opposer entre eux les Français. La France ne doit pas douter d’elle-même. La France ne doit pas se complaire dans des nostalgies mortifères en croyant se défendre en recourant à des anathèmes. La France est un grand pays, mesdames et messieurs. La France est forte d’une histoire exceptionnelle et d’un culture universelle qui a fait que, sous toutes les latitudes au XX ème siècle, les hommes ont déclamé ce mot superbe : « Heureux comme Dieu en France » et tant de grands esprits ont proclamé qu’ils avaient deux pays : le leur et la France.
Voilà ce qu’est notre identité nationale – la seule qui soit conforme au génie de notre pays. Voilà ce qu’est la République. Voilà ce que vous avez préservé par vos sacrifices. Voilà ce que nous entendons enseigner aux nouvelles générations pour qu’elles soient toujours dignes de votre exemple. Voilà pourquoi vous serez toujours chez vous dans la maison commune des Grenoblois et vous nous trouverez toujours à vos côtés pour rappeler vos combats et pour les faire comprendre.
Vivent les anciens combattants !
Vive la République et vive la France !